1. De la diversité écologique dans les
agrosystèmes
2. Effet de l'environnement sur les aphidiphages
3. Actions pour favoriser les aphidiphages
4. Conclusion
Différences structurelles et fonctionnelles entre les
écosystèmes naturels et les agro-écosystèmes
(encadré 1)
Les aphidiphages (encadré 2)
L'agro-écologie (encadré 3)
Références bibliographiques
Considérés sous l'angle de la succession
écologique (1), les
agro-écosystèmes modernes se caractérisent, comparés
aux écosystèmes naturels d'un même biome
(2), par des différences structurelles et
fonctionnelles liées à leur niveau de maturité
(voir encadré n°1).
Dans les systèmes culturaux, la simplification des processus naturels
induit des inconvénients propres aux systèmes immatures
(incapacité à recycler les nutriments, conservation des sols,
réguler les populations...). Le coût énergétique
des intrants pour compenser cette fragilité est en conséquence
très important. C'est pourquoi certains auteurs cherchent à
concevoir des agro-écosystèmes présentant un fonctionnement
proche des écosystèmes naturels (Altieri, 1986).
Avec pour base la théorie selon laquelle la stabilité d'une
biocénose est liée à la diversité des espèces
qui la composent (Parfait et Jarry, 1987; Altieri et Letourneau, 1982b),
divers auteurs se sont intéressés aux effets de la diversité
de l'environnement végétal sur les populations d'insectes
phytophages ravageurs des cultures (Perrin, 1980; Altieri et Letourneau,
1982a) et sur leurs antagonistes (Russel, 1989).
Van Emden (1964) a montré qu'entre ces différents milieux,
de nombreux déplacements de déprédateurs comme d'auxiliaires
s'effectuaient. La théorie de biogéographie insulaire
(3) sert de base conceptuelle pour l'étude des
mouvements de ces organismes dans les agrobiocénoses, chaque champ
cultivé ou zone d'inculture étant considéré comme
une situation insulaire. Cependant, pour Duelli (1988), cette théorie,
essentiellement quantitative, ne suffit pas à expliquer une colonisation
et une installation efficace dans le cas d'antagonistes aphidiphages. Pour
cet auteur, la qualité et la diversité des milieux
créés ou conservés sous forme de mosaïque,
cultivés ou non, sont essentiels.
En conséquence, l'intervention contre les ravageurs doit se concevoir
non seulement à l'échelle du champ cultivé mais
également à celle de l'environnement régional (grandes
formations végétales, forêts, landes, reliefs, etc.)
et local (écotones - ou zones de contact entre deux biocénoses
différentes - et cultures). Stary (1967 et 1972) développe
cette conception de l'intervention contre les ravageurs sous le nom de "lutte
multilatérale". (4). Altieri (1986)
y ajoute une dimension socio-économique selon un concept holistique
de l'Agro-écologie.
Dans ce contexte agro-écologique, l'effet régulateur des
antagonistes naturels des ravageurs des cultures, favorisés par la
diversification des biotopes spontanés ou cultivés prend toute
son importance (tab. I). Sur cette base, d'autres auteurs ont proposé
de nombreuses possibilités d'aménagement des
agroécosystèmes dans le but notamment de renforcer l'action
de ces antagonistes (Van den Bosch et Telford, 1964 ; Rabb et al.,
1976 ; Altieri et Witcomb ,1979 ; Andow, 1988).
Dans ce travail, nous considèrerons dans un premier temps le rôle
de l'environnement cultivé ou non, à l'échelle
régionale et locale sur les antagonistes naturels aphidiphages
(brièvement présentés dans l'encadré 2). Une
seconde partie sera consacrée à l'aménagement de ce
même environnement visant à renforcer l'action de ces antagonistes.
Une troisième partie indiquera les limites et difficultés que
rencontrent de telles études.
Tableau I. Effet de l'augmentation de la diversité
végétale sur les populations d'insectes dans les
agrosystèmes
(d'après Altieri et al., 1989).
La densité de la population d'insectes entre système diversifié et monoculture
|
augmente |
ne change pas |
décroît |
total |
Herbivores/monophages |
|
|
|
|
nombre de travaux |
42 |
170 |
405 |
617 |
nombred'espèces concernées |
15 |
16 |
92 |
123 |
Herbivores/polyphages |
|
|
|
|
nombre de travaux |
47 |
37 |
91 |
175 |
nombred'espèces concernées |
21 |
2 |
13 |
36 |
Prédateurs |
|
|
|
|
nombre de travaux |
59 |
48 |
47 |
154 |
nombre d'espèces concernées |
17 |
3 |
6 |
36 |
Parasites |
|
|
|
|
nombre de travaux |
30 |
7 |
0 |
37 |
nombre d'espèces concernées |
22 |
3 |
0 |
25 |
Total |
|
|
|
|
nombre de travaux |
178 |
262 |
543 |
983 |
nombre d'espèces concernées |
75 |
24 |
111 |
210 |
Les communautés animales sont sous la dépendance de peuplements végétaux, de leur répartition spatiale, de la topographie et du climat. Les aphidiphages n'achappent pas à la règle. Chacun occupe une niche écologique propre à l'espèce mais qui peut varier en cours de cycle, d'où la nécessité d'une certaine hétérogénéité des milieux.
2.1. Sur le plan régional
Les déplacements sur de longues distances sont rares chez les aphidiphages
; c'est pourtant le cas de certaines Coccinelles dont les milieux d'alimentation
et d'hivernation diffèrent spatialement. Suivant le cycle propre à
chaque espèce, elles effectuent des déplacements (plurivoltines)
ou de véritables vols migratoires (monovoltines) variables en distance,
vers des sites d'estivo-hivernation situés pour la plupart hors culture.
Savojskaya (1966) en distingue 5 catégories : sous les écorces
d'arbres, sous les pierres, en montagne dans les bosquets ou les touffes
d'herbes, en plaine au pied des collines et dans la litière à
la base des touffes d'herbes, dans la couche superficielle du sol.
Tableau II. Ennemis naturels des Pucerons de l'Ortie, Urtica
dioica
d'après Perrin, 1975
Familles | Principales espèces |
Coccinellidae | Adalia 2-punctata |
Coccinella 7-punctata | |
Syrphidae | Platycheirus albimanus |
Anthocoridae | Anthocoris nemorum |
A. nemoralis | |
Miridae | Heterotoma merioptera |
Cecidomyidae | Aphidoletes sp. |
Chrysopidae | Chrysopa carnea |
Aphidiidae | Aphidius ervi |
Entomophthorales | Erynia neoaphidis |
E. planchoniana |
Tableau III. Ennemis naturels des Pucerons du Chardon, Cirsium
arvense
d'après Volkl, 1988
Familles | Principales espèces |
Coccinellidae | Coccinella 7.punctata |
Adalia 2.punctata | |
Propylea 14.punctata | |
Syrphidae | Syrphus balteatus |
Scaeva pyrastri | |
Syrphus ribesii | |
Cecidomyidae | Aphidoletes aphidimyza |
Chrysopidae | Chrysopa perla |
Chrysoperla carnea | |
Anthocoridae | Anthocoris nemorum |
divers polyphages | Dermaptera |
Cantharidae |
Tableau IV. Ennemis naturels de Longiunguis donacis, Puceron
de la Canne de Provence, Arundo donax
d'après Biliotti et Sharma, 1965
Familles | Principales espèces |
Coccinellidae | Harmonia 14.punctata |
Coccinella 2.punctata | |
Adonia variegata | |
Scymnus interruptus | |
S. rubromaculatus | |
Syrphidae | Syrphus balteatus |
Sphaerophoria scripta | |
S. menthrasti | |
Xanthogramma ornatum | |
Syrphus corollae | |
S. luniger | |
Cecidomyidae | Phaenobremia aphidivora |
Braconidae | Diaretiella rapae |
Lysiphlebus fabarum | |
Aphidencyrtus aphidivorus | |
Chrysopidae | Leucopis sp. |
Semiadalia undecimnotata, Coccinelle univoltine, gagne par milliers
d'individus les sommets environnant les plaines où elle s'est
multipliée pour y accomplir 7 mois d'arrêt d'activité
à l'abri dans les fentes de rochers ou à la base des
végétaux (Kreiter et al., 1984). Le milieu forestier est aussi
un habitat favorable à l'hivernation des Coccinelles. La litière
forestière abrite deux espèces dont l'une, Propylea
quatuordecimpunctata, choisit l'intérieur du peuplement forestier
et l'autre, Coccinella septempunctata, la lisière (Hemptine,
1988). Les Syrphes effectuent aussi des déplacements sur plusieurs
dizaines de kilomètres (Lyon, 1965). Aubert (1962) puis Lyon (1967)
indiquent l'importance des cols qu'elles utilisent pour passer d'une vallée
à une autre, phénomène utile pour le renouvellement
de la faune. Les Syrphidae représentent d'ailleurs plus de
85% des captures d'insectes migrateurs réalisées par Aubert
(1962) aux passages de cols alpins.
L'exploitation de milieux aussi larges (sommets, forêts, cols, etc.)
par les Coccinelles et les Syrphes met l'accent sur l'importance de
l'échelle régionale dans l'étude et l'utilisation de
leur potentiel antagoniste. Leur effet sur les ravageurs de cultures ne pourra
donc être apprécié qu'en fonction de la prise en compte
de l'ensemble de ces paramètres régionaux.
2.2. Sur le plan local
L'échelle se réduit avec la notion d'effet local,
délimité spatialement par le champ cultivé et sa bordure
immédiate, mais les mécanismes en cause restent identiques.
Dans l'agro-écosystème local, la faune déprédatrice
et auxiliaire effectue des déplacements dans le temps et dans l'espace.
Ils peuvent avoir lieu en aller-retour entre le champ cultivé et sa
lisière (écotone et culture), la lisière pouvant d'ailleurs
être spontanée ou cultivée, ou bien en culture (champ
cultivé) entre adventices et plantes cultivées par exemple.
a) entre écotone et culture
Grison et Biliotti (1953) puis Van Emden (1964) ont discuté des effets
négatifs (refuges des ravageurs) et positifs (maintien des auxiliaires)
des zones incultes. Mais ces auteurs s'accordent pour estimer que les effets
négatifs sont largement compensés par les effets positifs.
L'élément essentiel en étant le maintien (abris, refuges
hivernaux, nourriture alternative, etc.) des antagonistes, puis leurs
déplacement vers les cultures.
La haie composite, traditionnelle en pays de bocage, montre un effet
potentiellement attractif pour ces organismes, mais avec des degrés
en fonction des associations végétales. Par exemple, l'association
noisetier-sureau semble la plus intéressante, retenant une grande
diversité d'auxiliaires, associés particulièrement aux
Pucerons de ces essences : Mycozallis coryli sur Noisetier et Aphis
sambuci sur Sureau (Barthelet, 1982; Rodet, 1985).
Un certain nombre de ces végétaux constituant la haie, ou
présent sur son talus, hébergent des Pucerons qui leur sont
spécifiques et donc non dangereux pour les cultures avoisinantes.
Par contre, ils retiennent tout un cortège d'aphidiphages plus ou
moins polyphages qui ont la capacité de limiter par la suite les
populations de Pucerons de plantes cultivées.
Perrin (1975) dresse une liste d'insectes aphidiphages se multipliant au
dépend des pucerons de l'ortie (tab. II) et Volkl (1988) fait de
même à partir des Pucerons du Chardon (tab. III). L'entomofaune
aphidiphage de la Canne de Provence, utilisée comme brise-vent, et
à laquelle Longiunguis donacis est strictement inféodé,
est elle aussi inventoriée par Biliotti et Sharma (1965) (Tab. IV)
Il est remarquable de constater que la plupart de ces antagonistes sont
ubiquistes dans un grand nombre de cultures. Dans le même ordre
d'idées, Basedow (1987) reprend les données de Stary pour
réaliser un tableau (tab. V) indiquant les interrelations possibles
de 5 parasitoïdes Aphidiidae dans différents biotopes.
Outre leur alimentation zoophage habituelle, les entomophages trouvent aussi
sur les végétaux spontanés une nourriture alternative
nécessaire sous forme d'acides aminés et d'hydrates de carbone
contenus dans le pollen, le nectar ou le miellat d'Homoptères (Altieri
et Witcomb, 1979). Ces éléments présentent une grande
importance pour la maturation des oeufs de Syrphes (Lyon, 1965) ainsi que
pour l'alimentation des Coccinelles au printemps (Hemptdine et Desprets,
1986). Bien que limitée, l'alimentation pollinique joue aussi un
rôle dans la biologie d'Orius vicinus, Anthocoride prédateur
(Fauvel, 1974).
La présence de stations relais s'avère donc essentielle pour
compléter le cycle des aphidiphages ou leur apporter une nourriture
complémentaire.
C'est sous l'action de facteurs biotiques et comportementaux (cycle des
hôtes-proie, comportement de recherche, spécificité...)
ou abiotiques (températures, précipitations...) qu'ils effectuent
ensuite des déplacements. L'existence de ces déplacements vers
les cultures a été démontrée par divers auteurs.
Ainsi Rodet (1985) a constaté la richesse de la haie en Chrysopes
et a pu observer les déplacements de ce groupe de la haie vers la
culture. De même, les Coccinelles investissent des parcelles
cultivées (Chou) à partir de bordures (Van Emden, 1965). Banks
(1955), observe chez la Coccinelle Adalia bipunctata une 1ère
génération sur Ortie au printemps, puis une 2e sur une culture
de Fève au début de l'été.
Les Carabiques, importants antagonistes de Pucerons, ont une faculté
de déplacement non négligeable. Des individus d'Agonum dorsale
marqués en bordure de champs de céréales, ont
été repris jusqu'à 200 m à l'intérieur
du champ par Coombes et Sotherton (1986).
Tableau V. Interrelation de 5 Aphidiidae dans différents
biotopes
A.p = Aphidius picipes ; A.e = A.ervi ; A.u = A.urticae ; P.v = Praon volucre
;D.r = Diaretiella rapae.
D'après Basedow,1987
Pucerons sur
Parasitoïdes
A.p | A.e | A.u | P.v | D.r | ||
Plantes cultivées | Céréales | + | + | |||
Betteraves | + | + | ||||
Pois | + | + | + | |||
Chou | + | + | ||||
P de terre | + | + | ||||
Plantes de haies | Ronces | + | + | + | ||
Eglantier | + | + | ||||
Ortie | + | + | + | |||
Plantes de talus | Gaillet | + | + | |||
Lotier | + | |||||
Fromageaon | + | |||||
Graminée | + | + | + | |||
Adventices | Gratteron | + | + | |||
Atriplex | + | |||||
Chénopode | + |
Dans certains cas c'est à partir de cultures, pérennes en
particulier, que les déplacements se produisent. Vorley et Wratten
(1987) ont observé les migrations d'Aphidius rhopalosiphi au
sein d'un système cultural céréale-prairie. Les
déplacements et le rôle joué par les prédateurs
polyphages de Pucerons ont été démontrés par
Gravesen et Toft (1987). Dans les parcelles d'Orge, des zones isolées
artificiellement (barrière physique) et des zones isolées de
la prairie environnante ont été comparées : contrairement
aux parcelles isolées, les parcelles qui ne l'étaient pas ont
montré un plus grand nombre de prédateurs. Parallèlement
la population de Pucerons y était réduite d'un tiers.
Stary (1978a) a mis en évidence les relations saisonnières
entre diverses cultures pérennes (Trèfle rouge, Luzerne) et
annuelles (Blé, Orge) de deux parasitoïdes (Aphidius ervi
et A. picipes) qui se déplacent successivement de l'une
à l'autre, la Luzerne représentant le réservoir permanent
de ces espèces.
Cette capacité à changer d'habitats, s'ils existent, augmente
les chances d'une coïncidence spatio-temporelle entre les prédateurs
et leurs proies. Un exemple illustrant ce phénomène est donné
par Robert et Rabasse (1977) : lorsque les ailés du Puceron strié
de la digitale quittent leur hôte primaire pour leur hôte secondaire,
la Pomme de terre, ils propagent leur parasite, Aphidius urticae. Le
contrôle du ravageur s'effectue ainsi tôt en période de
propagation et s'avère efficace.
b) au sein du champ cultivé
En règle générale les adventices des cultures sont
considérées comme nuisibles à celles-ci. Toutefois,
dans la mesure où elles ne dépassent pas un certain seuil de
concurrence, elles peuvent avoir des effets bénéfiques sur
l'entomofaune prédatrice. Des expérimentations en culture de
Canne à sucre ont montré que l'abondance et la diversité
des prédateurs sont plus importantes en zones enherbées qu'en
zones désherbées, sans qu'il y ait de différence
significative de rendement entre les différents traitements (Ali et
Reagan, 1985).
Powell et al. (1985) se sont intéressés aux effets variables
de l'enherbement du blé d'hiver sur les prédateurs polyphages.
Ils en concluent que la présence d'adventices crée un micro-climat
favorable à la ponte et au développement larvaire de ces
espèces. Ces effets bénéfiques ont été
moins marqués pour les prédateurs et parasitoïdes
spécifiques. Des Hétéroptères aphidiphages sont
aussi observés en plus grand nombre dans les parcelles de cultures
non désherbées. Il s'agit d'Anthocoris nemorum (Smith,
1976) et d'Orius insidiosus (Shelton et Edwards, 1983). Horn (1981)
fait état d'un effet favorable de 5 adventices sur l'abondance de
prédateurs (Chrysopes, Coccinelles, Syrphes) en culture de Chou. Enfin
l'influence positive de l'enherbement sur les entomophtorales a pu être
déterminée (Seibt, 1984 ; Powell et al., 1986).
2.3. Les mécanismes en jeu:
Les mécanismes régissant ces effets augmentatifs liés
à la diversité végétale sont connus de manière
incomplète. Il paraît évident que la succession de milieux
variés permet aux entomophages une continuité de
développement en assurant une meilleure coïncidence spatio-temporelle
avec leur hôtes/proies. Ces habitats sont essentiels puisqu'ils
déterminent en grande partie la spécificité alimentaire
des aphidiphages. Par exemple, sur les sites d'alimentation, les Coccinelles
prospectent des zones spatiales différentielles caractérisées
par une stratification végétale verticale en fonction des
espèces (Iperti, 1978a). Ce n'est qu'ensuite que le choix de
l'espèce proie s'établit (Iperti, 1978b). Le même
phénomène de répartition par strates existe chez les
Névroptères aphidiphages (Zeleny, 1978).
Par ailleurs, la capacité de recherche de biotopes favorables ou de
l'hôte-proie est, chez les entomophages, sous l'influence d'une succession
de stimuli complexes visuels ou olfactifs, en provenance du végétal
et/ou du phytophage (Vinson, 1976). Par exemple, Smith (1976) observe que
deux genres de Syrphidae (Melanostoma et Platycheirus)
sont orientés par les plantes elles-mêmes, en l'absence de Pucerons.
L'attraction visuelle de l'aspect cireux (Melanostoma) ou brillant
(Platycheirus) est envisagé par Chandler (1968). Syrphus
balteatus reste attiré par la couverture végétale.
Toujours selon cet auteur, Diaretiella rapae (parasitoïde
Aphidiidae) du Puceron cendré du chou semble plutôt
attiré par le nombre d'individus de son hôte. Cependant la substance
émise par la plante hôte et attirant D. rapae a pu être
isolée (Read et al., 1970). Dans d'autres cas ce sont les phéromones
sexuelles des Pucerons qui permettent aux parasitoïdes de localiser
leur hôtes (Hardie et al., 1991).
Pour Budenberg (1990), les miellats des Pucerons-hôtes et non-hôtes
sont perçu par les parasitoïdes primaires des Pucerons des
céréales et agissent donc comme kairomones de contact. Cette
attraction augmente avec la concentration du miellat. Dans le cas de Myzus
persicae, sa présence améliore l'attraction d'Ephedrus
cerasicola (Hagvar et Hofsvang, 1989).
Par conséquent, il convient d'intégrer ces données
comportementales concernant les auxiliaires, liées à la
diversité végétale, aux connaissances actuelles sur
l'environnement agro-écologique local et régional, afin d'envisager
des aménagements volontaristes permettant une meilleure gestion du
potentiel antagoniste.
3.1. Dispositions législatives
Quelques conventions internationales existent, qui visent à protéger
des insectes mais sur des critères de rareté, d'esthétique,
etc. Aucune législation n'existe dont l'objectif est de protéger
des auxiliaires de l'agriculture. Par ailleurs, pour Ricou (1987) la protection
de l'entomofaune passe par la protection raisonnée des biotopes. En
France, une structure permet, à travers la mise en place de zones
naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique
(ZNIEFF) de prendre des "arrêtés préfectoraux de biotopes".
(Lecomte, 1990). Ces ZNIEFF ne peuvent malheureusement pas être agraires
ou issues de zones anthropisées (A. Panis, comm. pers.).
Quelques zones protégées existent (réserves, parcs nationaux
et régionaux) mais ne représentent que 0,7% du territoire
français et leur éloignement géographique fait qu'il
n'existe pas d'échanges entre ces zones. Un continuum de réserves
biologiques serait seul capable d'assurer un maintien des communautés
vivantes (Ricou, 1987).
Les modifications de l'environnement sont importantes puisque 70 à
80% du sol français est rural. C'est donc dans une politique
générale d'aménagement du territoire qu'il faut situer
la gestion de nos systèmes et pas uniquement sur des critères
de beauté et de rareté de la faune et de la flore. C'est d'ailleurs
dans cette optique que la politique agricole des Pays-Bas va se développer
puisque ce pays propose un "plan pour une politique de la nature".
(Natuurbeleidplan). Cette directive entend mettre en place une "structure
écologique nationale". composée d'une mosaïque de zones
écologiques reliées entre elles (zones paysagères, zones
de liaison - pour assurer la continuité -, zones de développement,
zones tampon) (Riquois, 1990).
3.2. Techniques de protection et d'aménagement.
Rabb et al. (1976) résument en quatre points les possibilités
permettant d'améliorer l'efficacité et la synchronisation des
ennemis naturels :
- réduire la mortalité due aux pratiques culturales,
- apporter des ressources supplémentaires,
- contrôler les ennemis secondaires,
- manipuler les plantes hôtes pour leur influence indirecte.
Nous considérerons la réalisation de ces objectifs à
une échelle régionale, puis locale.
a) Echelle régionale
Pour les espèces de Coccinelles migratrices hivernant sur les sommets,
Iperti (1965) propose l'installation d'abris en fibro-ciment pour permettre
une meilleure hivernation aux prédateurs. Ces abris leur fournissent
un milieu plus aéré, empêchant ainsi les épizooties
de champignons entomopathogènes (Beauveria) fréquentes
dans les zones d'hivernation naturelle (fentes de rochers, végétaux
bas, etc.).
b) Echelle locale : entre écotone et culture
- Interventions raisonnées : Une des premières méthodes
de protection des biocénoses des lisières consiste à
éviter les interventions brutales du type traitement par le feu ou
par les herbicides. En effet, Pollard (1968a, 1968b) note une importante
réduction du nombre de prédateurs présents dans la
végétation à la base des haies, après des traitements
herbicides. Certains pays proposent des indemnisations aux agriculteurs qui
conservent ces zones de bordure (Schumacher, 1980 in Basedow, 1987).
- Création de "nichoirs" : Prat et al. constatent que les haies
taillées sont plus riches en espèces que les autres. Une des
raisons en est probablement la création de sites de nidification
nécessaires aux insectes rubicoles. Ces mêmes populations de
rubicoles (Pemphredoninae aphidiphages), ont été
augmentées de zéro à plusieurs centaines d'individus
en trois années, uniquement par apport de nichoirs artificiels
constitués de tronçon de tiges à moelle sèche
(ronces, sureau etc.) (Janvier, 1961).
- Haie fonctionnelle : Defrance et al. (1987) estiment que l'implantation
de haies brise-vent composites peut jouer un rôle dans le maintien
des auxiliaires à proximité des cultures (relais) ainsi qu'en
périodes automnale et estivale (abris). Outre les effets des associations
mentionnées précédemment, divers autres critères
peuvent être retenus pour la création de ce type de haie : l'aspect
du couvert végétal (forme des feuilles, densité,
sécrétion de miellat), la floraison (époque, type de
fleur, qualité du pollen, nectar), les strates et les associations
végétales dans la haie, la présence d'insectes phytophages
(Pucerons, Psylles, Cicadelles etc.).
Avec ces éléments pour base de travail, Rieux (1988)
expérimente depuis quelques années une haie brise-vent
semi-perméable en tenant compte de ses caractéristiques physiques
(écoulement des vents) et biologiques, dans le but de réaliser
un enrichissement en auxiliaires spécifiquement adaptés au
verger de Poirier (5). Dans cette
expérience, le Psylle du poirier est l'objet de l'étude, mais
il est important de noter que son cortège de prédateurs correspond
à celui de beaucoup d'Homoptères, dont les Pucerons. Ce type
de haie (une dizaine d'espèces végétales ont été
retenues) est destiné à jouer un rôle fonctionnel qui
peut être très généraliste (comme l'apport de
pollen tôt ou tard en saison) mais aussi très spécifique.
Par exemple sur l'Aulne se développe un Psylle monovoltin (Psylla
alni) qui termine son cycle fin mai, ce qui oblige les prédateurs
à migrer vers le verger où les risques dus au Psylle du poirier
peuvent apparaître. Parallèlement, il faut éviter les
végétaux qui pourraient représenter une attractivité
pour les auxiliaires au-delà du mois de juin. Enfin, un
végétal ayant une floraison tardive associé à
une structure végétale assurant l'hivernation (Lierre : Hedera
helix) permet une attraction automnale et un abri hivernal pour Orius
et de nombreux auxiliaires (fig. 1). Une étude biocénotique
préalable détermine le choix de chaque végétal,
en fonction d'objectifs précis à atteindre, et permet donc
une régulation spatio-temporelle de la biocénose du Poirier.
Figure 1. Evolution de l'effectif d'Anthocoris nemoralis,
Orius spp., Coccinellidae et Chrysopidae observés par
frappage (30 cadres)
dans une haie de feuillus mêlés de Lierre protégeant
un verger de Poirier dans la région de Montfavet (Vaucluse), d'août
1982 à fin avril 1983.
Le pic d'Orius spp. en octobre coïncide avec la floraison du
Lierre
(Rieux, 1986)
- Plantes nectarifères de bordures : Le voisinage de plantes
nectarifères (Phacélia, Moutarde) a été testé
par Klinger (1984) en bordure de champs de Blé d'hiver. Cet auteur
a constaté une diminution de la densité de Pucerons, sur les
parcelles comportant des bordures où fleurissaient la Moutarde et/ou
le Phacélia. Les prédateurs polyphages tels que les carabiques
ont vu leur nombre augmenter et ceux-ci ont probablement joué un
rôle important, leur action ayant été ressentie parfois
jusqu'à 20 m à l'intérieur du champ. Dans ce cas
présent, seul le couvert végétal est responsable de
ce phénomène. Si les bordures fleuries ont attiré les
Syrphes, leur rôle n'a pas été perceptible à
l'intérieur du champ de même que celui des Hyménoptères
parasitoïdes et des champignons entomopathogènes.
Une bande de Phacélia (en 3 semis successifs pour une floraison
étalée) au milieu d'une culture de Chou, a permis une colonisation
plus précoce de Diaretiella rapae. De plus, 80% des Syrphidae
étaient présents dans les parcelles avec Phacélia (Kowalska,
1986).
- Fauchages de végétaux spontanés : Perrin (1975)
préconise la taille des orties (Urtica dioica) à une
époque donnée de l'année en fonction du pic d'abondance
de certains prédateurs (Coccinelles et Anthocorides) et de leur
capacité à migrer vers les cultures avoisinantes. Cette migration
se fait naturellement en juillet-août, date à laquelle les
dégâts sont déjà faits en culture (Banks, 1955).
Couper trop tôt revient à favoriser la ponte de Coccinella
7-punctata sur Ortie, ce prédateur étant attiré
par les jeunes repousses de cette plante. Il faut donc estimer la date la
plus favorable à laquelle les adultes capables de migrer sont
présents en abondance, et qui correspond à la mi-juin en
Angleterre.
Figure 2. Les théories de sélection r et k et de
succession des écosystèmes expliquent les effets des
aménagements par bandes, lesquels font évoluer les aires
aménagées vers la stratégie K et vers les continuums
rK(Nentwig, 1989).
- Coupes et récoltes alternées des cultures : Nentwig (1988)
parvient à une certaine stabilité conformément à
l'évolution dans le temps des espèces à stratégie
r ou k (fig. 2), en réalisant dans une prairie une succession de fauchages
dans le temps et dans l'espace. Ce système s'est avéré
privilégier les espèces prédatrices ou parasites
spécialisées (K), au détriment d'espèces polyphages
colonisatrices (r). Ce même auteur a appliqué ce système
à des zones cultivées pour estimer, par exemple, les tailles
optimales de culture et/ou d'inculture qui permettraient de conserver cette
stabilité. Il est parvenu à montrer que cet optimum était
atteint avec une succession de bandes incultes de 1 m de large, alternant
avec des bandes cultivées (en Blé) de 12 m (Nentwig, 1989).
Cameron et al. (1983) expérimentent, en culture de Luzerne,
la coupe ou le pacage par bandes. Ce système met en évidence
une bonne synchronisation entre un parasitoïde (Aphidius eadyi),
un Hémérobe prédateur (Micromus tasmaniae) et
les populations de Pucerons (Acyrthosiphon kindoi et A. pisum).
Les réservoirs créés par cette méthode ont permis
d'associer ce système à une population de Pucerons faible et
à un rapport proies-prédateurs bas, excepté au printemps
(Tab. VI).
Tableau VI. Effet de la coupe ou du pacage par bandes sur les
prédateurs et parasites des Pucerons de la luzerne
D'après Cameron et al., 1983).
pas de réservoirs | avec réservoirs | |||
Date | pucerons/tige | pucerons/préd. | pucerons/tige | pucerons/préd. |
12 fév. | 0.5 | 0.04:1 | 0.1 | 0.10:1 |
19 fév. | 8.3 | 1.39:1 | 6.9 | 0.11:1 |
26 fév. | 23.3 | 4.66:1 | 0.1 | 0.05:1 |
4 mars | 32.6 | 1.16:1 | 0.4 | 0.02:1 |
11 mars | 66.8 | 2.02:1 | 0.6 | 0.03:1 |
Schlinger et Dietrick (1960), cités par Hodeck (1973), comparent deux
systèmes agraires en Californie : un système où les
champs de Luzerne sont récoltés en une seule fois (regular
farming), un autre où la récolte se fait par bandes
alternées (strip farming). Les dégâts commis par
les Pucerons sont considérables dans le premier système et
négligeables dans le second, où le nombre de prédateurs
et de parasitoïdes est nettement supérieur (tab. VII).
Tableau VII. Effet de la récolte de luzerne par bandes
alternées et en une seule fois sur le nombre moyen des ennemis naturels
de Therioaphis maculata en millier d'individus /4 000 m2
D'après Schlinger et Dietrick, 1960.
Ennemis naturels | Récolte classique | Récolte par bandes alternées |
Coccinelles adultes | 46 | 205 |
Coccinelles larves | 11 | 232 |
Chrysopes larves | 195 | 206 |
Hyménoptères paras. | 70 | 287 |
Hétéroptères | 199 | 401 |
Araignées | 105 | 1 094 |
Aphidiphages | ||
Total | 626 | 2 435 |
- Voisinages des cultures et assolements : Martens (1983) a comparé
des parcelles d'Avoine entourées de Pois à des parcelles d'Avoine
seule. La densité maximale de Pucerons a été réduite
de 50% dans les parcelles bordées de Pois où le seuil
d'intervention économique n'a pas été atteint, alors
qu'il l'était dans la parcelle d'Avoine seule. Les Coccinelles ont
montré une nette préférence pour la parcelle Avoine-Pois.
L'action des antagonistes semble avoir été accrue dans ces
conditions et l'auteur conclut que ce type de répartition de cultures
"semble pouvoir éviter une pullulation en raison de l'accroissement
qualitatif et quantitatif de son potentiel de régulation".
Des résultats similaires sont obtenus en associant spatialement une
culture de Luzerne avec une culture de Chou. Sur les parcelles de Chou
éloignées de ce système, le nombre de Brevicoryne
brassicae était plus élevé et le nombre de Syrphes,
bas. Inversement, près du système Luzerne-Chou les colonies
du Puceron du chou étaient détruites par 4 espèces de
Syrphes : Sphaerophora scripta, Metasyrphus corollae, Scaeva pyrastri
et Episyrphus balteatus. Là encore, l'auteur invoque le
rôle de la Luzerne comme réservoir permanent d'espèces
antagonistes et d'hôtes intermédiaires (Kowalska, 1986).
Gravesen (1987) propose la réalisation d'une mosaïque optimale
prairie-céréales qui tiendrait compte en particulier de la
taille des prairies en fonction de la production de prédateurs d'Aphides.
D'autres auteurs ajoutent à cette conception spatiale (mosaïque)
un système cultural (assolement) visant à favoriser
l'émigration/immigration de parasitoïdes d'Aphides : à
côté d'un système de réservoir permanent
représenté par la prairie, ils préconisent
l'établissement d'un système semi-permanent représenté
par des semis précoces de céréales d'hiver favorisant
une émigration à partir de ces semis et une forte immigration
sur les semis plus tardifs (Vorley et Wratten, 1987). Galecka (1985) montre
que des assolements quadriennaux (Féverole, Seigle, Orge, Pomme de
terre) sont plus favorables au développement des Coccinelles, en
créant une "continuité d'évolution". au sein de la zone
cultivée, qu'un assolement plus court.
En définitive, ces différentes approches montrent
l'intérêt de la gestion du paysage de proximité pour
la protection et l'aménagement de l'environnement végétal.
Des techniques équivalentes peuvent être mises en oeuvre au
niveau du champ cultivé.
c) échelle locale : au sein du champ cultivé
A cette échelle, les possibilités d'aménagement sont
variées et elles ont fait l'objet d'études plus nombreuses,
la dimension du champ étant plus aisément accessible à
l'expérimentation.
- Traitements raisonnés : Chambon (1982a) montre la richesse de
l'entomofaune des biocénoses céréalières
composées essentiellement d'auxiliaires et de détritiphages
(95%) et seulement de 5% de phytophages. Ce même auteur (1982b)
évalue l'impact des systèmes de cultures, de l'assolement,
et surtout des traitements insecticides. Il note que les captures d'Insectes
baissent de 70 à 80% après un traitement (dont, par voie de
conséquence, une majorité d'auxiliaires). Par ailleurs,
l'entomofaune est moins importante et moins variée en zone traitée.
L'effectif des ravageurs est plus élevé dans cette même
zone (20% contre 10% en zone non traitée).
Une des premières méthodes de protection des auxiliaires consiste
donc a éviter les traitements dits d'assurance déclenchés
selon un système de calendrier. Il est aussi préférable
d'utiliser des molécules spécifiques et à des périodes
résultant d'observations appropriées sur le terrain ou de
modèle prévisionnels.
- Manipulation des populations d'auxiliaires : Certains aménagements
et pratiques culturales peuvent avoir des effets bénéfiques
sur les populations d'antagonistes, soit directement, soit indirectement.
Parmi les aménagements et pratiques à effets directs, la solution
de loin la plus étudiée concerne les élevages de masse
d'auxiliaires puis leur lâchers inondatifs
(6). Pourtant, si ces méthodes commencent à
être maîtrisées en culture protégée (en
milieu "tamponné"), il n'en est pas de même en plein champ,
en ce qui concerne du moins la maîtrise des Pucerons. Le coût
des élevages, la technicité élevée nécessaire
en amont et en aval et la variabilité biologique font que ces
méthodes restent encore au stade expérimental. Pourtant, leur
efficacité est démontrée. Ainsi, Kreiter (1985) pratique
un enrichissement biologique en culture de pêchers avec des larves
de 1er stade d'Adalia bipunctata et d'Olla v.nigrum. Ce traitement (1 larve
pour 10 pucerons en 3 fois) limite efficacement les populations aphidiennes
du verger. Parmi les difficultés, le système d'épandage
des larves : il faut aussi, pour pallier les problèmes d'élevage
de masse, envisager le recours à une nourriture artificielle.
La capture des prédateurs (au moment de leur estivo-hivernation par
exemple), suivie de leur relâcher ailleurs, est aussi une méthode
envisageable, notamment pour les Coccinelles, mais les problèmes de
diapause et de réactivation des individus ne sont pas encore suffisamment
maîtrisés (G. Iperti, comm. pers.). Indiquons encore que Wilson
(1966, in Rabb et al., 1976), constate l'effet dépressif
de la taille des pommiers sur Aphelinus mali et préconise en
conséquence la conservation des bois de taille et leur apport au printemps
pour augmenter les populations du parasite.
Avec l'emploi de substances attractives, nous abordons l'examen des
aménagements et pratiques à effets indirects.
Selon Iperti (1988), l'arrivée et l'installation précoce des
adultes aphidiphages revêt une importance capitale pour le devenir
et l'abondance des populations larvaires, qui représentent le seul
potentiel antagoniste sur lequel on puisse compter. Dans cette optique, certains
auteurs tentent d'apporter sur la culture diverses substances sucrées,
par pulvérisation. Schiefelbein et Chiang (1966) pulvérisent
une solution de saccharose sur des pieds de Maïs et parviennent à
y concentrer trois espèces de Coccinelles ainsi que des Chrysopes
qui ont réduit l'infestation par Rhopalosiphum maidis.
Hagen (1970, in Rabb et al., 1976) triple le nombre d'oeufs
déposés par Chrysoperla carnea par apport d'hydrolysat
de protéine additionné de sucre. Les Syrphes sont attirés
mais ne pondent qu'en présence de Pucerons. La dispersion des Coccinelles
est aussi retardée. La pulvérisation de mélasse, de
miel, de tryptophane et d'extrait de Pucerons ont attiré en culture
de Pomme de terre, un grand nombre de prédateurs de Pucerons :
Hémérobes, Chrysopes, Coccinelles et Hétéroptères
divers (Ben Saad et Bishop, 1976).
Les médiateurs chimiques peuvent aussi être utilisés
dans la régulation des ravageurs de cultures par des auxiliaires.
Une émulsion d'allylisothiocyanate (composé soufré
présent dans les Crucifères et appétent pour
Brevicoryne brassicae) pulvérisé sur des choux, induit
un taux de parasitisme ainsi qu'un nombre de parasites plus important que
sur les témoins traités à l'eau et aux extraits de moutarde.
Les auteurs de cette expérience en concluent que cette substance joue
un rôle de synomone et envisagent de manipuler l'environnement chimique
des plantes cultivées (Titayavan et Altieri, 1990).
La modification artificielle du contexte bio-climatique ne peut que rester
une pratique exceptionnelle ; elle a toutefois fait l'objet
d'expérimentation dans le but de favoriser, par aspersion d'eau sur
les végétaux, des champignons entomopathogènes. En effet,
ceux-ci ont besoin pour se développer normalement d'une hygrométrie
saturante et d'une température de 20°C (Missonnier et al.,
1970). Remaudière et Michel (1971) ne sont pas parvenus à des
résultats probants et expliquent cet échec par la difficulté
de mise en place des conditions expérimentales.
Il est aussi possible d'aménager des abris, sites d'hivernation ou
refuges nocturnes pour des prédateurs au sein même de la culture.
En effet, Tamaki et Halfhill (1968, in Rabb et al., 1976)
constatent que 90% des Arthropodes qui hivernent dans les bandes-pièges
en carton apposées sur le tronc des pêchers et destinés
à capturer des chenilles, sont des entomophages. Fye (1985)
expérimente ces mêmes bandes-pièges : la majorité
des prédateurs recensés sont Daraeocoris brevis, Homerobius
ovalis et des Araignées, tous d'importants prédateurs
d'Homoptères. Il est aussi possible d'aménager des abris à
Forficules (Dermaptères) dont l'action prédatrice en verger
de Pommier a été observée vis-à-vis d'Eriosoma
lanigerum et d'Aphis pomi (Karoll et Hoyt, 1984).
En ce qui concerne la protection des auxiliaires contre leurs antagonistes,
un exemple est donné par Kreiter (1985), qui montre qu'il est possible
de limiter l'action protectrice exercée par les Fourmis à
l'égard des Pucerons et à l'encontre des Coccinelles sur les
Pucerons. L'apport d'une barrière de glu déposée sur
le tronc des arbres fruitiers (Pêcher) améliore nettement
l'efficacité des Coccinelles vis-à-vis des Pucerons. Une
bande-piège contenant un fourmifuge déposé sur le tronc
des fruitiers tôt en saison a depuis été mise au point
et semble donner d'excellents résultats (Crouau, 1990).
Il est possible, dans quelques cas, d'agir par le choix de la
variété. Parfois la morphologie des végétaux
freine l'activité des prédateurs et donc leur efficacité
potentielle. Par exemple, le Haricot de la variété Saint Fiacre
développe une forte pilosité qui gêne le déplacement
des Coccinelles (G. Iperti, comm. pers.).
Dans cet ordre d'idée, Kareiva et Sahakian (1990) engagent les
améliorateurs de plantes à prendre en compte le 3e niveau trophique
(parasites et prédateurs) dans le choix morphologique des
variétés cultivées. Ils ont en effet constaté
une amélioration de l'activité prédatrice des Coccinelles
sur les Pucerons (de l'ordre de 50% de réduction) vivant sur un Pois
d'une variété à faible densité de feuilles,
comparé à une variété à forte densité.
Des observations directes leur suggèrent que cette efficacité
accrue est due au déplacement facilité des Coccinelles.
Il s'avère aussi que les cultivars résistants aux phytophages
ont une incidence indirecte sur l'efficacité des auxiliaires. Ainsi
Lysiphlebus testaceipes parvient à maîtriser Schizaphis
graminum sur des cultivars résistants de Sorgho et d'Orge mais
pas sur les variétés sensibles (Starks et al., 1972
in Powell, 1986). Il en est de même pour le couple Aphidius
matricariae / Myzus persicae sur des variétés
résistantes de Chrysanthenum (Wyatt, 1970 ibid.). Un
niveau de population plus faible, associé à un cycle larvaire
allongé, exposant davantage le ravageur aux attaques des antagonistes,
pourrait expliquer en partie ce phénomène (Klassen, 1981
ibid.).
- Régulation de la diversité botanique au champ
Altieri et Whitcomb (1979) font l'inventaire des possibilités de
manipulation d'adventices en association avec les plantes cultivées,
de façon à privilégier les plus intéressantes
sans qu'elles entrent pour autant en compétition avec la culture.
Ces adventices, si elles sont maîtrisées en qualité et
en quantité, peuvent avoir un effet dépressif sur les populations
de ravageurs. Theunissen et Den Ouden (1980) en apportent la démonstration
en culture de Chou de Bruxelles. L'ensemble des ravageurs principaux, dont
Brevicoryne brassicae, est considérablement réduit en
présence de Spergula arvensis semé à
différentes densités en association avec la culture. Si la
présence de prédateurs et de parasitoïdes est constaté
dans ce type d'association, il est difficile d'estimer s'ils sont
réellement les responsables de cette diminution. Cet auteur envisage
3 possibilités : soit le nombre des prédateurs et
parasitoïdes est augmenté et ils agissent sur la dynamique des
populations des ravageurs, soit l'attractivité de la culture
enherbée est moindre, soit enfin le micro-climat déterminé
par ce type de couverture végétale modifie l'habitat des ravageurs
et/ou des auxiliaires.
Perrin et Philips (1978) résument les aménagements possibles
de cultures mixtes en quatre points : cultures en mélanges (sans
arrangement par bandes), une ou plusieurs cultures en bandes, bandes assez
espacées pour une culture indépendante intercalée, 2
ou plusieurs cultures simultanées, la seconde culture en place avant
la récolte de la première. Le tableau VIII montre les
différents effets possibles de ce type de méthode sur la dynamique
des ravageurs dont l'effet potentiel des ennemis naturels. Celui-ci est
démontré dans certains cas mais il est souvent très
difficile à évaluer.
Ainsi Takahirwa et Coaker (1982) constatent une forte réduction de
Brevicoryne brassicae dans les cultures de Chou de Bruxelles en
intercalaire avec de la Fève. Même s'ils ne sont pas responsables
de cette réduction, les Carabiques et Staphylinides doublent leurs
effectifs dans ces conditions. Un résultat tout à fait similaire
est obtenu avec l'association Carottes-Oignon. Le nombre de Pucerons de la
Carotte a été diminué et celui des Carabiques et Staphylins
augmenté en présence d'une forte densité
végétale (Uvah et Coaker, 1984). Toutefois, la relation de
cause à effet n'a pu être démontrée. Il en est
de même dans l'association Vesce-Colza où l'attaque par B.
brassicae a été deux fois moindre qu'en monoculture, toutefois
sans que l'activité des prédateurs ait été plus
importante, hormis les Araignées présentes en grand nombre.
(Altieri et al., 1989).
Dans ces trois cas, l'explication des auteurs va plutôt dans le sens
attraction-répulsion du couvert végétal pour le ravageur.
Cependant Dempster et Coaker (1974, in Altieri et al., 1989),
rapportent un taux de prédation important dû à l'association
Légumineuses-Colza.
Tableau VIII. Stades, dans la dynamique de population de ravageur
influencés par les cultures associées
Les effets possibles dus à ces types de cultures
sont indiqués sur la droite (Perrin et Phillips, 1978).
Un exemple de triculture est donné par Arriaga et Altieri (1990).
Ces auteurs ont comparé l'effet de l'association de 3 plantes
cultivées (Maïs, Fève, Courge), séculaire au Mexique,
à une monoculture de Maïs. R. maïdis est plus souvent
corrélé positivement avec les prédateurs qu'en monoculture.
La présence de deux Coccinelles aphidiphages (Hippodamia kobelei
et H. convergens) est notablement plus importante en triculture, en
partie en raison de la présence des nectaires extra-floraux de la
Fève. Ces auteurs enregistrent par ailleurs un rendement en Maïs
double en faveur de l'association. Bien entendu, l'augmentation des
prédateurs n'est pas seule responsable dans ce cas précis d'un
tel résultat : une meilleure utilisation du potentiel hydrique aurait
aussi, selon les auteurs, joué en faveur de la triculture.
Mizell et Shiffhauer (1987) préconisent en culture pérenne
l'emploi de la Myrthe noire (Lagerstroemia indica) en association
avec le Pacanier (Carya illinoensis). En effet, les principaux
prédateurs du Puceron de la myrthe sont communs au Pacanier et
coïncident avec le cycle de ses Pucerons, celui de la Myrthe devançant
quelque peu le cycle des Pucerons du Pacanier (fig. 3). L'auteur propose
l'utilisation de cette coïncidence spatio-temporelle comme moyen de
limitation naturelle.
Il existe en définitive une importante diversité
méthodologique qu'aucune comparaison ne permet de hiérarchiser
au plan de l'efficacité, mais dont aucune n'exclut l'autre a priori.
Cela dit, ces approches impliquent une connaissance approfondie des
agroécosystèmes. Cette prise en compte de facteurs multiples
entraîne forcément de grandes difficultés d'études
ainsi que certains risques qu'il faudra nécessairement maîtriser.
3.3. Limites et difficultés
Les aménagements proposés doivent absolument tenir compte des
risques liés au maintien de la végétation spontanée.
Ils sont de différente nature et peuvent être résumés
ainsi :
a) réservoirs
Certains végétaux sont des hôtes primaires pour des Pucerons
ravageurs de cultures : le Fusain (Evonymus) pour Aphis fabae,
Puceron noir de la Fève, Rosacées pour Metopolophium dirhodum,
des Céréales, mais, même dans ce cas, le cortège
parasitaire peut intervenir avant le vol de dissémination, sur
l'hôte primaire (Robert et Rabasse, 1977). Certains sont des
réservoirs de virus comme les Graminées : plus d'une centaine
sont sensibles à la jaunisse nanisante de l'Orge (Henry, 1988). Il
faut donc en tenir compte dans les assolements prairies-céréales
à pailles.
Figure 3. Abondance relative saisonnière du Puceron de la
myrthe noire Sarucallis kuhawaluokalami et des Pucerons du Pacanier,
Monellia caryella et Monelliopsis pecanis
(en Floride, en 1984, in Mizell et Schiffhauer, 1987)
Echelle de Gauche : nombre moyen de puceron du pacanier/feuille ; Echelle
de droite : nombre moyen de puceron de la myrthe noire/pousse ; ligne continue
pucerons du pacanier ; ligne discontinue pucerons de la myrthe noire.
b) effets non-intentionnels
Powell et al. (1985) notent un inconvénient lié au fait que
les prédateurs peuvent se concentrer parfois trop longuement sur les
adventices et ainsi délaisser les ravageurs pourtant présents
sur la culture. Gruys (1982) constate un effet lié à la
présence de fleurs mellifères favorables aux
Lépidoptères ravageurs en verger de Pommier. Enfin, Wichtrup
(1984), indique un risque lié au système semis sous couvert.
Le micro-climat ainsi créé peut avoir un effet favorable aux
maladies fongiques.
c) biotypes et spécificité
La spécificité alimentaire des prédateurs et des
parasitoïdes est un aspect important de leur biologie, dont la connaissance
est indispensable pour utiliser ces entomophages comme auxiliaires de lutte
biologique. L'exemple du complexe parasitaire d'Aphidius ervi est
caractéristique à cet égard. Cet Aphidiidae
était connu pour avoir comme hôtes Microlophium carnosum
sur Ortie (Urtica dioica), Acyrtosiphon pisum sur cultures
de Légumineuses et Sitobion avenae sur Céréales.
En laboratoire, Stary (1983) montre qu'A. ervi issu de M.
carnosum ne parvient pas à faire son cycle complet sur A.
pisum et il détermine, par électrophorèse, un "biotope".
d'A. ervi propre à M. carnosum. Cameron (1984)
ne parvient pas à multiplier A. ervi issu de A. pisum
sur M. carnosum. Il aura fallu 4 à 5 générations
sur S. avenae pour retrouver une fécondité significative.
Finalement, A. ervi, biotype lié à M. carnosum,
a été déterminé comme une espèce à
part entière et nommé Aphidius microliphi par Pennachio
et Tremblay (1986). Ces problèmes de taxonomie ou de baisse de
fécondité lié au changement d'hôte risquent d'entraver
l'utilisation des espèces dites polyphages sur des hôtes-
relais.
Il convient aussi de tenir compte de la répartition spatiale du complexe
parasitaire. En effet, Vlolk (1989) montre que la composition parasitaire
spécifique varie avec la latitude, pour la même espèce
de Puceron-hôte. Ainsi sur A. fabae, Lysiphlebus fabarum
est le parasitoïde dominant en région méditerranéenne
alors que L. cardui domine dans les régions à climat
tempéré. Stary (1978b) met aussi l'accent sur le fait que les
parasitoïdes ne sont pas forcément les mêmes sur les
hôtes primaires et secondaire des Pucerons. En conséquence,
seule une connaissance approfondie de tous ces aspects biologiques permettra
de déboucher sur des applications du principe de la modification de
l'environnement des entomophages.
d) problèmes méthodologiques
Il ressort souvent des diverses publications concernant la diversité
végétale et l'augmentation des antagonistes naturels que, si
le renforcement des organismes utiles est obtenu, il est difficile
d'apprécier leur rôle exact sur les populations des ravageurs.
Parfait et Jarry (1987) estiment qu'il convient d'utiliser des méthodes
appropriées à ce type de recherches et proposent d'intégrer
aux dispositifs expérimentaux du type "plan d'expérience
agronomique", des méthodes d'analyses multivariées, permettant
d'espérer décrire les effets respectifs de plusieurs des facteurs
en jeu.
Les approches décrites (tableau IX) sont diverses des points de vue
niveau d'intégration, méthodologie et espèces
concernées. Elles ont un but commun qui fonde leur unité :
accroître qualitativement et quantitativement par divers
procédés le potentiel de régulation des
agro-biocénoses grâce à l'entretien ou à la
création d'une bio-diversité raisonnée.
Le constat de mouvements spatio-temporels des auxiliaires entre les cultures
et leur environnement (cultivé ou non), ajouté à la
reconnaissance de leur capacité à maîtriser des populations
de ravageurs fondent les principes à la base d'un aménagement
favorable aux régulations naturelles.
Ces aménagements - associés à d'autres (Andow, 1988
; El Titi, 1987), à peine évoqués dans ce travail, visant
à défavoriser directement les ravageurs par des pratiques
culturales, des assolements, des cultures ou des plantes-pièges, des
cultures ou des plantes répulsives, des associations défavorables,
etc. - s'inscrivent dans une conception préventive de l'intervention
à l'égard des ravageurs. Ils n'excluent pas a priori une
lutte curative, qu'elle soit biologique ou autre, quand celle-ci s'avère
nécessaire. Simplement, ces aménagements tentent de
"stabiliser"naturellement des agro-biocénoses.
Les méthodes d'investigation devront être appropriées
: elles devront être en mesure d'intégrer un grand nombre de
paramètres, tout en sachant que, dans ce domaine, il ne faudra pas
craindre les "boites noires". (par ex. : défaut de discrimination
entre l'activité propre des auxiliaires et l'effet spécifique
du couvert végétal) du moment que l'objectif défini
est globalement atteint.
Enfin, on est en mesure d'affirmer que les principes de l'agroécologie
selon la définition qu'en donne Delucchi (1991, encadré 3)
et auxquels ont trait les travaux cités, paraissent devoir être
pertinents dans le sens d'une agriculture plus autonome, économe et
non polluante .
Tableau IX. Méthodes permettant de maintenir ou
d'améliorer le potentiel antagoniste des
prédateurs/parasitoïdes d'aphides
Méthodes utilisées | Auteurs | Méthodes utilisées | Auteurs |
Abris nichoirs | Iperti,1965 ; Tamaki et Halfill, 1968 ;Fye, 198 ; Caroll et Hoyt, 1984 ;Janvier, 1961. |
Pulvérisations de substances | Schiefelbein et Chiang, 1966 ; Hagen, 1966 |
Capture/relâcher des auxiliaires. | Wilson, 1966 | attractives | Ben Saad et Bishop, 1976 ;Titayavan et Altieri, 1990 |
Haie fonctionnelle | Rieux,1988 | Choix des cultivars | Kareiva et Sahakian, 1990 ; |
Tailles ou fauchages de végétaux | Pratt et al., 1976 ; Perrin, 1975 | ravageurs ou adaptés aux comportementsdes auxiliaires | Starks et al., 1972 ; Wyatt, 1970 |
Plantes nectarifères | Klinger, 1984 ; Kowalska, 1986 | Culture et/ou récoltes par bandes alternées | Nentwig, 1988 ; 1989 ; Cameron et al. 1983 ; Schlinger et Dietrick, 1960 |
Voisinage des cultures et assolements | Martens, 1983 ; Kowalska, 1986 ;Gravesen, 1987 Vorley et Wratten, 1987 ;Galecka, 1985 | Maintien et/ou semis d'adventices | Theunissen, 1980 ; Horn, 1981 ; |
Lâchers innondatifs | Kreiter, 1985 | Associations de plantes cultivées | Takahirwa et Coaker, 1982 Uvah, 1984 Altieri, 1989 ; Demster et Coacker, 1974Arriaga et Altieri, 1990 ; Mizell et Shiffhauer, 1987 |
Modification du contexte bioclimatique | Remaudière et Michel, 1971 | Limitation des prédateurs/ parasitoïdes de 2e niveau | Kreiter, 1985 ; Crouau, 1990 |
L'Auteur remercie M. Caillaud, J.-S. Pierre, J.-P. Di Pietro (ENSA.R), M. Hullé (INRA Rennes), A. Panis et J.-C. Malausa (INRA Antibes), A. Cavelier (SRIV Rennes), D. Chicouène, M.-T. Querrion et C. Soster pour leur aide à la mise au point du texte initial.
Caractéristiques | Agro-écosystème (immaturité) | Ecosystème naturel(maturité) |
Chaînes trophiques | simples | complexe |
Richesse spécifique | faible | forte |
Cycles biogéo- chimiques | ouverts | fermés |
Stabilité | instable | stabilité structurelle |
Intervention humaine | nécessaire | pas nécessaire |
Permanence dans le temps | restreinte | longue |
Phénologie | synchronisée artificiellement | saisonnière |
Maturité | stades initiaux de la succession écologique | climax |
Stratégie de croissance | stratégie r | stratégie K |
Les écosystèmes cultivés, ou agro-écosystèmes,
se comportent comme des écosystèmes en début de la
succession écologique, c'est-à-dire immatures. Les populations
qui les composent sont colonisatrices, pionnières. La démographie
des espèces est du type "catastrophe"., présentant de fortes
fluctuations, avec une alternance de pullulations et de chutes brutales des
effectifs, les interventions agrotechniques étant fréquentes.
Un tel profil démographique est dit du type r ; les fluctuations
d'effectifs en fonction du temps prennent l'allure de courbes en J (graphe
ci-dessous).
Les écosystèmes naturels acquièrent leur maturité
après un long processus d'évolution, dépendant du climat,
de la nature du sol, etc. Les réseaux trophiques y sont complexes,
les fluctuations faibles, et le profil démographique, dit de type
K, se représente par une courbe en S.
Ces profils ne sont que des modèles, des exemples extrêmes.
Les situations généralement observées sont beaucoup
plus complexes et les notions de stabilité et de climax font l'objet
de nombreuses discussions parmi les écologues.
Profil démographique r
Profil démographique K
Au sein du monde animal, les organismes consommateurs de Pucerons ou
"aphiphages". sont pour l'essentiel des Insectes. Les Arachnides, moins connus,
jouent probablement un rôle important. Enfin, certains Oiseaux comme
les Perdrix ou les Mésanges ne dédaignent pas les Ahides. Dans
le monde végétal, certains champignons sont de redoutables
antagonistes, provoquant de véritables épizooties au sein des
colonies de Pucerons. On distingue classiquement, parmi les entomophages,
les prédateurs - qui ont besoin de plusieurs proies pour accomplir
leur cycle -, les parasitoïdes, qui se développent
généralement sur un seul hôte, souvent à
l'intérieur de celui-ci, et le tuent une fois leur développement
larvaire achevé - et, enfin, les pathogènes - micro-organismes
(champignons, bactéries, virus, etc.) agents de maladies.
Une caractéristique importante des prédateurs est leur degré
de polyphagie, c'est à dire le nombre d'espèces qu'ils prennent
pour proie. Rares sont les monophages (une seule espèce-proie). Si
les Carabiques ont un large spectre de proies, les Coccinelles ont des
préférences, même au sein du groupe des Pucerons. Chez
les Syrphes et les Cécidomyies, notamment, seule la larve est
prédatrice de Pucerons, l'adulte étant floricole. Chez les
Coccinelles, larves et adultes chassent les Pucerons. Les Punaises
(Hétéroptères) comme les Forficules (Dermaptères)
ont un régime mixte, phytophage et zoophage. La quantité de
Pucerons consommés varie avec les besoins énergétiques
de l'espèce. Une larve âgée de la Coccinelle à
7 points peut consommer 100 pucerons / jour alors qu'une larve de Scymnus
(petite Coccinelle) n'en dévore pas plus de 8 / jour.
Les parasitoïdes (des Hyménoptères ressemblant à
de très petites guêpes, de 2 à 3 mm) sont
généralement assez spécifiques (quelques espèces
de Pucerons-hôtes par espèce de parasitoïde). L'oeuf est
pondu directement dans l'hôte où la larve accomplit tout son
cycle de développement et s'y nymphose. L'individu parasité
prend alors la forme d'une momie de teinte cuivrée plus ou moins claire
(cas du parasitisme par des Aphidiides) ou noire (Aphelinides). Une seule
femelle d'Aphidiide peut pondre jusqu'à 300 oeufs.
Les champignons pathogènes appartiennent à l'ordre des
entomophthorales ; ils pénètrent au travers du tégument
des Pucerons et envahissent leur cavité générale.
Après la mort de l'hôte, il y a sporulation et projection de
conidies qui infectent les autres individus. Ce processus est fortement
favorisé par des conditions climatiques chaudes et humides.
Comme tous ces auxilliaires n'ont pas le même potentiel antagoniste
il peut être tentant de hiérarchiser leurs actions pour ne retenir
que les plus importants. Toutefois, dans une conception agro-écologique,
il est préférable de considérer l'ensemble du cortège
d'entomophages, car même si l'action de certaines espèces est
faible, la somme de leurs actions est probablement loin d'être
négligeable
"Toute modification technologique dans le système de production
entraîne des modifications dans l'importance économique des
phytophages, cette importance pouvant aussi bien augmenter que diminuer.
Une modification technologique qu'on doit toujours prendre en considération
est la réorganisation des écosystèmes de culture, par
exemple par l'association des cultures (ce qu'on appelle"intercropping, mixed
cropping, alley cropping, agroforesty, etc.".) mais aussi par le contrôle
des mauvaises herbes dans les cultures. Avec la réorganisation des
écosystèmes, on tente d'influer sur les conditions de vie des
phytophages de telle sorte que leur infestation en soit considérablement
diminué et les animaux utiles protégés. Récemment
on a poursuivi cette idée en y introduisant d'autres aspects de la
production, à savoir l'agr-oécologie, nouvelle discipline qui
doit constituer la base d'une agriculture durable. On attend de
l'agro-écologie les bases d'un système de production de longue
durée sans dégradation des ressources naturelles,
c'est-à-dire le cadre d'une application d'une technologie à
faibles intrants qui améliore la fertilité du sol, exploite
mieux les ressources hydriques, pousse le recyclage à son point maximum,
encourage la lutte biologique contre les organismes nuisibles, diversifie
la production, etc. La protection des plantes n'y a plus sa place habituelle,
il ne s'agit plus seulement de protéger une culture mais d'éviter
la pullulation des phytophages. En matière de prévention
l'entomologiste ne dispose au fond que de 3 domaines possibles à savoir
la lutte biologique, la résistance des plantes, les mesures culturales
au sens large, alors que la résistance constitue de matière
traditionnelle le domaine de recherche du généticien. Par des
mesures culturales, l'entomologiste veut interférer dans le comportement
des phytophages, c'est-à-dire qu'il veut réduire la natalité
et augmenté la mortalité. "
Extrait de : DELUCCHI V., 1991. Visions en phytiatrie. Info-Zoo, 5,
71-81.
[R] Notes
(1) Processus évolutif des
communautés vivantes à partir d'une biocénose
pionnière vers une biocénose terminale nommée climax.
[VU]
(2) Grands types de formations végétales
correspondant aux zones bioclimatiques (arctique, boréale,
tempérée, tropicale, équatoriale, etc.)
[VU]
(3) Théorie qui explique que la richesse spécifique
des peuplements insulaires résulte d'un équilibre entre les
possiblités d'immigration (favorisées par une moindre distance
du continent) et le taux d'extinction ou de survie des espèces
colonisatrices. Les chances de survie sont plus réduites lorsque la
surface de l'île est plus petite, en raison d'une compétition
plus sévère entre les immigrés (Mac Arthur et Wilson,
1967 cités par Pesson, 1983). [VU]
(4) Le concept de la lutte multilatérale contre les
pucerons a été élaboré pour souligner la
nécessité d'attaquer une espèce (en fait ses
populations locales) nuisible an tant qu'"espèce", sans tenir
compte initialement des dégats causés à une certaine
culture à un endroit donné. Le puceron nuisible doit être
attaqué dans l'écosystème. [VU]
(5) voir à ce propos le texte très
récent (juillet 1992) de R. Rieux paru dans InfoZoo n°7,
pp. 24-50 [VU]
(6) Un exemple de telles pratiques a été
exposé dans le n°16 (pp. 9-26) du Courrier de la Cellule
Environnement de l'INRA, sous la plume de Nicole Hawlizky, et on trouvera
dans le n°15 (pp. 3è-60), au début de l'article de P.
Jourdheuil, P. Grison et A. Fraval des rappels essentiels sur la lutte
biologique. [VU]
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